Coronavirus: l’indemnité des pertes d’exploitation

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Maitre albin FABRE

Avocat au barreau de Grasse

L’épidémie de Covid-19 a plongé beaucoup d’entrepreneurs dans une situation financière très difficile.

Malgré les mesures d’urgence mises en œuvre par l’Etat, le confinement et la lente reprise de l’activité économique ont lourdement plombé les comptes des entreprises françaises, en particulier les plus petites.

La question de l’indemnité des pertes d’exploitation par les assureurs s’est donc posée dès le mois de mars, en premier lieu par les restaurateurs, particulièrement sinistrés.

Nous vous proposons dès lors une synthèse des éléments de droit que vous devez connaître pour envisager au besoin une action à l’encontre de votre assureur en cas de refus d’indemnité.

Le confinement est-il un risque indemnisable ?

Une épidémie de l’ampleur de celle que nous avons vécu avec le Covid-19 et à plus forte raison une pandémie constitue un risque systémique au sens du droit des assurances, c’est-à-dire un risque touchant toute la population des assurés ou du moins une grande part d’entre eux.

L’assurance est un système de mutualisation par lequel une population paie une prime faible pour indemniser des dommages subis par une petite partie de cette population.

Lorsque l’ensemble de la population est touché, ce qui est le cas pour le confinement (et non pour la maladie elle-même) nous sommes face à un risque dit systémique.

L’indemnisation d’un risque systémique est de nature à remettre en cause le modèle économique même de l’assurance et pourrait mettre en difficulté certains assureurs.

Dès lors les assureurs invoquent l’argument selon lequel la nature systémique du risque fait obstacle à l’indemnisation mais il semble que les Tribunaux ne suivent pas pour l’instant ce raisonnement.

Comment la garantie perte d’exploitation est-elle stipulée dans les contrats d’assurance ?

Dans la plupart des contrats la garantie perte d’exploitation est une garantie accessoire d’une garantie principale (incendie, dégât des eaux, catastrophe naturelle).

Dans ce cas, pour être indemnisable, la perte d’exploitation doit être la conséquence du dommage matériel assuré provoqué par l’un des évènements prévus au contrat. Le principe est donc dans ce cas simple : pas de garantie sans dommage matériel.

Ce principe a trouvé à s’appliquer lors des manifestations des Gilets Jaunes. Les pertes d’exploitations des professionnels n’ont pas été indemnisées en l’absence de dommage matériel.

Dans quels cas l’indemnisation est envisageable en l’absence de dommage matériel ?

Certains contrats prévoient une extension de garantie pertes d’exploitation en cas d’impossibilité d’accès aux locaux professionnels par interdiction administrative

Pour certaines professions dont la fermeture a été ordonnée par une autorité administrative peuvent bénéficier de contrats dans lesquels les assureurs n’ont pas anticipé le risque d’épidémie.

L’indemnisation sera alors possible quand le contrat vise la fermeture administrative.

Il convient de se référer aux décrets du 14 mars 2020 et du 17 mars 2020 pour savoir si la profession est dans la liste de celles objet de l’interdiction administrative.

Il faut donc distinguer selon que les pertes d’exploitation soient la conséquence d’une interdiction administrative d’exercer (professions listées dans décrets) ou la conséquence indirecte du confinement (et donc de l’obligation faite aux français de rester chez eux).

ATTENTION : vous devez vérifier que votre contrat ne comporte pas une exclusion de garantie stipulant expressément l’absence d’indemnisation dans le cas d’une épidémie ou d’une pandémie.

Mais même en présence d’une clause d’exclusion de garantie, tout espoir n’est pas perdu. Il faut vérifier sa valadité au regard des articles L. 113-1 et L. 112-4 alinéa 3 du Code des assurances : la clause doit être formelle, limitée et figurer en caractères très apparents dans la police d’assurance.

Une clause d’exclusion trop imprécise et générale ne sera pas valide.

Quelles conséquences de la reconnaissance de l’épidémie de Coronavirus comme catastrophe naturelles ?

L’article L. 125-1 Code des assurances relatif à l’assurance des risques de catastrophes naturelles dans son alinéa 2 renvoi expressément aux « conditions prévues au contrat ».

Ainsi, si un état de catastrophe naturelle était déclaré, la condition de dommage matériel préalable subsisterait.

L’assuré se heurterait donc toujours au principe de l’absence d’indemnisation sans dommage matériel.

Est-on obligé d’accepter la proposition d’indemnisation de l’assureur pour la perte d’exploitation ?

Vous devez distinguer deux situations :

  • Soit votre assureur vous adresse une promesse de couverture : dans ce cas la garantie vous sera acquise ;
  • Soit votre assureur vous adresse une promesse d’indemnisation forfaitaire : dans ce cas l’acceptation de l’assuré peut être interprétée comme une acceptation de renonciation à garantie en échange de l’indemnisation forfaitaire proposée. Vous devez donc dans ce cas être très vigilant sur l’indemnisation qui vous est proposée et la comparer à votre préjudice réel (dont vous devrez avoir fait une estimation préalable).

Quels fondements juridiques mettre en œuvre dans une action en justice contre l’assureur ?

Deux fondements juridiques semblent envisageables à l’encontre de l’assureur :

  • La prise en charge du sinistre avec obligation de couverture de l’assureur (dans le cas où votre contrat le permet) ;
  • Un manquement à l’obligation de conseil de l’assureur qui aurait dû vous renseigner sur le champ d’application exact de votre contrat et ses limites.

L’assureur peut-il refuser d’indemniser les pertes d’exploitation sur le fondement de la force majeure ?

En matière contractuelle, la force majeure est définie à l’article 1218 du Code civil.

Appréciée souverainement par les juges du fond, la force majeure si elle est reconnue permet à l’une des parties de ne pas remplir ses engagements contractuels.

Si l’on résonne par analogie par rapport aux épidémies précédentes, les Juges ont considéré qu’elles ne permettaient pas aux assureur de ne pas respecter leurs engagements contractuels.

Cependant l’épidémie de Covid-19 est d’une ampleur bien plus grande, ce qui pourrait conduire les Juges à reconsidérer leur position.

En résumé, que devez-vous faire ?

  • Vérifier si les contrats comprennent la garantie pertes d’exploitation
  • Chiffrer vos pertes d’exploitation
  • Faire une demande écrite à l’assureur (recommandé AR) : préciser l’objet, demande de règlement d’indemnités d’assurance. Cette constituera un acte interruptif de prescription. A défaut de ce courrier, le délai de prescription sera de deux ans. Ce courrier oblige l’assureur à argumenter son refus d’indemnisation.